À mon mariage, j’ai vu ma belle-mère glisser un comprimé dans ma coupe… alors j’ai inversé les verres

Les mois suivants furent… étranges.

Tout était officiellement en route, mais rien ne semblait avancer concrètement pour nous.

Julien était revenu vivre à l’appartement.
Nous marchions sur des œufs, au début.
On parlait du banal : les courses, le travail, les factures.
On évitait certains mots comme on évite une pièce de la maison où on a peur d’entrer.

Peu à peu, pourtant, le barrage s’est fissuré.

Un soir, alors que nous dînions de pâtes réchauffées devant la télé éteinte, Julien a posé sa fourchette.

« Tu sais ce qui me hante le plus ? » demanda-t-il sans me regarder.

« Quoi ? »

« L’idée que, si tu n’avais pas vu ce comprimé, c’est toi qu’on verrait aujourd’hui sur ces vidéos. Toi sur la piste de danse, toi couverte de gâteau, toi qu’on traiterait de folle. »

Je me suis figée.

Je n’avais jamais été au bout de cette pensée.
Je tournais autour, sans oser la regarder en face.

« Si tu n’avais rien remarqué, » continua-t-il, « j’aurais cru quoi, moi ? Que tu avais trop bu ? Que tu avais voulu “faire la fête” ? Je t’aurais défendue… ou j’aurais eu honte ? Est-ce que je t’aurais cru, si tu m’avais dit que quelqu’un t’avait droguée ? »

Il inspira profondément.

« Je crois que… j’aurais voulu te croire. Mais si ma mère avait juré que non, si mon père avait pris sa défense… Je ne sais même pas si j’aurais été capable de tenir de ton côté. Et ça me fait horreur. »

Je sentis mes yeux me piquer.

« Tu ne le sauras jamais, » dis-je doucement. « Parce que j’ai vu. Et parce que j’ai agi. »

Il leva enfin les yeux vers moi.

« Tu m’as sauvé de moi-même, » dit-il. « Je ne le mérite pas. »

« Si, » répondis-je. « Parce que tu as fini par regarder la vérité en face. Ce n’est pas donné à tout le monde. »

À partir de ce soir-là, nous avons arrêté de faire semblant.
Nous avons parlé de Monique, de son emprise sur lui depuis l’enfance, de ses exigences, de la façon dont elle avait modelé chaque choix de sa vie.

« Tu sais, » dit-il un jour en rangeant des dossiers, « quand j’étais petit, si j’avais une mauvaise note, elle ne criait pas. Elle se taisait. Elle ne me regardait pas pendant deux jours. C’était pire. J’aurais préféré des hurlements. »

« C’est une forme de violence, » répondis-je. « Le silence, le retrait, la honte. »

« Je l’admirais tellement, » murmura-t-il. « Elle savait tout gérer : la maison, les invitations, l’image de la famille. Je croyais que c’était ça, être une “bonne mère”. »

Il eut un ricanement amer.

« Et puis je t’ai rencontrée toi, avec ta mère qui oublie la cuisson des pâtes parce qu’elle danse dans la cuisine avec ta sœur, ton père qui raconte dix fois la même histoire en riant. Je me suis rendu compte que mon modèle était… tordu. »

Je lui ai pris la main.

« On ne choisit pas la famille dans laquelle on naît, » dis-je. « Mais on choisit celle qu’on construit. »


Quand la date du procès est tombée, six mois plus tard, tout est redevenu brutal.

« Tribunal correctionnel de Lyon, salle 3, » annonçait la convocation.
Affaire Ministère public et Claire Ashour / Monique Dubreuil.

Mon avocat m’avait prévenue :

« Les médias risquent de revenir en force. Vous aurez peut-être des caméras devant le tribunal. Vous n’êtes obligée de parler à personne. Vous pouvez entrer par l’arrière, je m’en occupe. »

« Et de l’autre côté ? » avais-je demandé. « Leur avocat ? »

Maître Gardel s’était énormément exprimé dans la presse ces derniers mois, parlant d’« acharnement », de « lecture biaisée des images », de « brouille familiale instrumentalisée par la justice ».

« Attendez-vous à ce qu’il vous attaque sur votre crédibilité, » répondit maître Kaderi. « Il dira que vous avez agi par vengeance, que vous avez volontairement laissé votre belle-mère boire la drogue. Il n’ira jamais jusqu’à dire que vous l’avez vous-même empoisonnée, il n’y a aucune preuve de ça. Mais il jouera sur l’ambiguïté morale de l’échange de verres. »

« J’aurais dû renverser la coupe, » dis-je d’une petite voix. « Parfois, je me le reproche. »

« Vous étiez sous le choc, » répondit-elle calmement. « Vous êtes un être humain, pas un personnage de manuel scolaire. La justice ne vous demande pas d’être parfaite. Elle doit simplement décider si votre belle-mère a, oui ou non, délibérément introduit un médicament dans votre verre. Et là-dessus, les images sont claires. »

Je me suis accrochée à cette phrase comme à une bouée.


Le jour du procès, le tribunal était plein.

Dans les bancs du fond, des voisins, des curieux, quelques anciens collègues de Monique, tirés à quatre épingles.
Sur les côtés, des journalistes, carnets en main, caméras discrètes.
Devant, les bancs réservés aux parties civiles, à la défense.

Je m’assis à côté de maître Kaderi.
Julien, en tant que simple témoin, attendait dans une autre salle, il ne pourrait entrer qu’après sa déposition.

Au premier rang, je reconnus Patrick, raide comme une statue, les lèvres serrées.
À côté de lui, Thomas, le visage fermé.

Puis Monique entra, encadrée par un gendarme.

Je ne l’avais pas vue depuis l’hôpital.
Elle avait changé.

Plus de chignon sophistiqué, plus de tailleur clair.
Une robe sombre, simple, les cheveux attachés grossièrement, le visage sans maquillage.
Elle semblait plus petite, plus frêle.

Elle évita soigneusement mon regard.

Quand elle s’assit à côté de son avocat, j’entendis tout de même le cliquetis léger de ses bracelets.
Reflexe d’ancienne « dame du monde ».

Le président du tribunal, un homme à la voix posée, ouvrit l’audience.

Il lut les faits, la qualification :
« Avoir, le 12 juin, sciemment administré ou tenté d’administrer à autrui une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes, en l’espèce du diazépam, en déposant un comprimé dans la coupe de champagne destinée à sa belle-fille. »

Entendre ma vie réduite à cette phrase me fit un drôle d’effet.

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