Puis Monique cligna des yeux, comme si quelque chose l’avait surprise.
Julien se leva à son tour pour faire son discours – quelques mots simples, sincères, sur notre rencontre, sur la façon dont il m’aimait, sur tout ce qu’il projetait pour nous.
Je ne retenais rien.
Je n’écoutais plus.
Je regardais sa mère.
Elle avait reposé sa main sur le dossier de sa chaise, comme pour s’y accrocher.
Ses doigts se crispèrent.
Elle porta l’autre main à son front, masse légèrement ses tempes.
Patrick se pencha vers elle.
« Ça va ? »
« Très bien, » répondit-elle, mais sa voix était pâteuse.
Julien termina son discours.
Tout le monde but une gorgée.
Je portai la coupe à mes lèvres, mouillai à peine ma bouche, puis la reposai aussitôt.
La musique repartit, les conversations reprirent, le service se préparait à apporter le plat principal.
Monique était toujours debout, mais quelque chose n’allait pas.
Ses yeux s’étaient légèrement voilés.
Son sourire était trop large, trop figé.
« Monique, tu devrais t’asseoir, » murmura Patrick.
« Non, » dit-elle plus fort que nécessaire. « Je me sens merveilleusement bien. »
Et elle se mit à rire.
Pas son petit rire mondain, contrôlé.
Un rire aigu, presque hystérique.
Julien fronça les sourcils.
« Maman ? »
« Julien ! » s’exclama-t-elle en se tournant vers lui, vacillant comme si le sol tanguait. « Mon beau garçon, est-ce que je t’ai dit comme je suis fière de toi ? »
« Tu viens juste de le faire dans ton discours, maman, » répondit-il doucement.
« Vraiment ? » Elle éclata d’un nouveau rire. « Eh bien, je le suis. Tellement fière. »
Sa voix montait, emplissait la salle.
Des têtes se tournaient vers nous.
Patrick se leva, le visage rouge.
« Monique, ça suffit. Viens prendre l’air. »
« Je n’ai pas besoin d’air ! » déclara-t-elle d’une voix théâtrale. « J’ai besoin de danser ! »
Avant que quiconque puisse réagir, elle a enlevé ses escarpins et s’est élancée sur la piste de danse pieds nus.
Le DJ passait une chanson douce.
Monique s’est mise à danser comme en boîte de nuit, les bras en l’air, les hanches qui bougeaient dans tous les sens, complètement décalée sur le rythme.
La salle s’est tue.
On n’entendait plus que la musique… et les éclats de rire de Monique.
« Mon Dieu, » a murmuré Julien à côté de moi. « Qu’est-ce qu’elle fait ? »
Je restais figée.
Je voyais ma belle-mère, si obsédée par les apparences, se ridiculiser devant tous les invités.
« Allez, dansez touuus ! » cria-t-elle en tournoyant, les cheveux se défaisant, ses bijoux cognant contre son cou.
Thomas est arrivé près de nous, livide.
« Qu’est-ce qu’elle a ? »
« Je n’en sais rien, » répondit Julien. « Je vais la chercher. »
Il se dirigea vers la piste, mais Monique le vit arriver et recula en riant, évitant sa main.
« Tu ne m’attraperas pas ! » chanta-t-elle.
Des portables se levèrent.
Des invités filmaient déjà.
Des flashs crépitaient.
Julien finit par saisir le bras de sa mère.
« Maman, stop. Tu ne vas pas bien. »
« Je me sens merveilleuse ! » protesta-t-elle, mais ses mots se mélangeaient, sa langue semblait lourde.
Elle se dégagea et tituba vers la table du dessert, où trônait notre pièce montée, une œuvre d’art à quatre étages, décorée de fleurs en sucre.
« Maman, non ! » cria Julien.
Trop tard.
Monique posa les mains sur le gâteau.
« C’est si beau… » souffla-t-elle.
Puis elle en arracha une grosse poignée, écrasant la crème entre ses doigts avant de l’enfoncer dans sa bouche.
De la chantilly s’étala sur son visage, sur sa robe.
Elle rit encore, puis lança une motte de gâteau dans la foule.
Un invité poussa un cri en recevant le projectile en plein buste.
Ce fut le moment où la salle bascula dans le chaos.
Patrick et Julien se précipitèrent pour la tirer en arrière.
Elle se débattait, riant, criant qu’elle voulait encore danser, que « tout ça n’était qu’un jeu ».
Les invités se levèrent, certains approchant pour aider, d’autres reculant, choqués.
Les portables continuaient de filmer.
« Quelqu’un appelle les pompiers ! » hurla ma mère.
Je sentais le sol se dérober sous mes pieds.
Je me suis accrochée au bord de la table, en essayant de respirer.
Monique finit par s’effondrer au pied de la table, au milieu des restes écrasés du gâteau.
Sa robe était couverte de crème et de fruits, ses cheveux collés à son front.
Elle riait encore, mais son rire se transformait en un souffle irrégulier. Ses yeux roulaient dans leurs orbites.
« Monique ! » Patrick se mit à genoux près d’elle, ses mains tremblant. « Qu’est-ce que tu as pris ?! »
« Rien, » marmonna-t-elle. « J’ai rien pris… »
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