Il jure que je ne toucherai plus jamais à son argent, mais ma lettre fait éclater toute la vérité

Monique a ouvert la bouche, puis l’a refermée. Elle s’est rassise, raide comme une statue.

La juge a repris, en s’adressant cette fois directement à moi.

« Madame Martin, vous êtes actuellement sous statut de collaboratrice de la justice dans le cadre d’une enquête financière. Le parquet m’indique que des mesures de protection ont été prévues pour vous. »

Elle a tourné quelques pages.

« Il m’est également indiqué que, d’après l’analyse préliminaire, environ quarante pour cent du patrimoine de votre mari proviendrait de revenus déclarés et licites. Le reste serait fortement suspecté de provenir des opérations de blanchiment. »

Elle a posé son stylo.

« Dans ces conditions, et sous réserve des futures décisions pénales, il apparaît que vous aurez droit à une partie de ces quarante pour cent, ainsi qu’à certaines compensations au titre de votre coopération. »

Benoît a éclaté :

« Vous allez lui donner mon argent alors que vous me volez tout le reste ?! »

« Ce n’est pas votre argent, monsieur, » a répondu la juge avec une froideur presque glaciale. « Ce sont des biens qui, s’ils ont été acquis avec de l’argent propre, appartiennent aussi à votre épouse au titre du régime matrimonial. Et si le reste est effectivement issu d’activités criminelles, il ne vous appartient pas davantage. »

Elle a laissé planer un court silence.

« Pour l’instant, je suspends l’audience de divorce. Les procédures pénales devront être traitées prioritairement. Les mesures provisoires – pension, logement – seront fixées en tenant compte du statut de Madame Martin comme victime et collaboratrice de la justice. »

Elle a tourné légèrement la tête.

« Greffier, faites entrer la brigade financière, s’il vous plaît. »

Les portes se sont ouvertes dans un grincement.

Le capitaine Rivières est entré, accompagné de deux autres policiers en civil. Il portait la même veste sobre que le jour où je l’avais rencontré pour la première fois, mais son regard n’avait plus rien de simplement bienveillant : il était concentré, professionnel, déterminé.

Il s’est avancé vers la barre, un dossier sous le bras.

« Monsieur Martin Benoît, » a-t-il déclaré d’une voix claire, « je suis mandaté pour vous placer en garde à vue pour les chefs suivants : blanchiment d’argent en bande organisée, fraude fiscale aggravée, recel et association de malfaiteurs. »

Benoît a ri. Un rire court, sec, presque incrédule.

« C’est ridicule. Vous n’avez aucune preuve. »

Le capitaine a posé le dossier sur la table.

« Nous avons suffisamment d’éléments pour justifier des mesures coercitives, monsieur. Le reste sera débattu devant un juge d’instruction. Vous avez le droit de garder le silence, le droit d’être assisté d’un avocat… »

Je connaissais déjà ce discours par cœur.
Nous en avions parlé.
Je savais presque à quel mot près il allait le prononcer.

Benoît s’est tourné vers moi une dernière fois, les yeux noirs de rage.

« Tu m’as détruit, » a-t-il murmuré. « Tu n’imagines pas les gens à qui tu t’attaques. Tu as signé ton arrêt de mort, Claire. »

Je l’ai regardé, et je me suis rendu compte que, pour la première fois, je ne ressentais plus ni peur, ni honte.

« Non, Benoît, » ai-je répondu calmement. « J’ai juste refusé de mourir à ta place. »

Les policiers lui ont passé les menottes.
Le bruit du métal a claqué dans la salle.

Vanessa a éclaté en sanglots, mascara qui coulait sur ses joues.
Monique a murmuré, comme pour elle-même : « Ce n’est pas possible… pas mon fils… »

Je suis restée assise.
Les mains posées bien à plat sur la table.
La chaise en bois était toujours aussi froide, mais moi, je ne l’étais plus.


Les mois qui ont suivi ont été à la fois longs et étrangement rapides.

Je n’ai pas pu retourner dans la grande maison près de Lyon.
Elle a été placée sous scellés, comme les voitures, certains comptes, les bureaux de l’entreprise de Benoît.

La première semaine, j’ai dormi dans un petit studio mis à ma disposition par le dispositif de protection des témoins.
C’était minuscule, les murs étaient jaunes, il y avait un lit simple et une table bancale.

Mais c’était à moi.
Pas à nous.
Pas à lui.

Je me souviens de ma première nuit là-bas.

Pas de lustre, pas de meubles de famille, pas de jardin à entretenir.
Juste le bruit lointain de la circulation et la lumière des phares qui passait parfois sur le plafond.

Je me suis allongée sur le lit, toute habillée, les mains croisées derrière la tête, et j’ai pensé :

« Je suis seule. Vraiment seule. »

Et pour la première fois depuis longtemps, cette idée n’était pas uniquement effrayante.
Elle avait aussi un goût de liberté.

La brigade m’a rappelée plusieurs fois.
Il y a eu des auditions, des confrontations, des heures entières à répéter les mêmes choses devant différents magistrats.

La procureure Leroy m’a reçue dans son bureau un matin de janvier.

« Madame Martin, » m’a-t-elle dit en feuilletant des documents, « votre coopération a été déterminante. Sans vous, nous aurions mis beaucoup plus de temps à comprendre l’ampleur du système mis en place par votre mari et ses partenaires. »

J’ai haussé les épaules, un peu gênée.

« Je n’ai fait que… arrêter de fermer les yeux. »

Elle m’a regardée longuement.

« Vous avez aussi pris des risques. Il faut le reconnaître. »

Elle m’a expliqué que, du fait de mon statut de victime et de collaboratrice, une partie des biens légalement acquis me serait attribuée à l’issue des procédures.
Pas tout de suite.
Moi, j’avais surtout besoin de savoir si, un jour, je pourrais avoir à nouveau un chez-moi.

« En attendant, » a-t-elle ajouté, « nous pouvons vous aider à suivre une formation, à reprendre une activité. Avez-vous déjà pensé à retravailler dans la communication ? »

Je me suis entendue rire.

« J’y pense tous les jours. »

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