Le motard prit le billet froissé de vingt euros de la main osseuse du garçon de dix ans et tenta de ne pas pleurer.

« Marissa Fournier. Kévin Brulet. Briac Tesson. »

Michel me regarda. Nous sut ce qu’il pensait.

« Garde tes vingt euros, Tim », dis-je. « On prend pas d’argent aux gamins. »

« Mais— »

« Mais on viendra. »

« Vraiment ? »

« Vraiment. Mais pas pour les effrayer. On ne fait pas ça. »

Le visage de Tim se décomposa.

« On va faire mieux », continuai-je. « On va t’honorer. Le vrai toi. Pas le malade. Pas la victime. Le combattant qui s’est battu deux ans. Qui a conduit une voiture dont il atteignait à peine les pédales pour demander de l’aide à des inconnus. Ça prend du courage. »

« Je veux pas d’honneur. Je veux qu’ils dégagent. »

« Fais-moi confiance. Ce qu’on prépare… ce sera mieux. »

Les secours arrivèrent. Au moment où ils le chargeaient, Tim me saisit la main.

« Vous viendrez ? »

« Promis. »

« Même si je meurs avant dimanche ? »

« Peu importe quand tu pars… on sera là. »

Quand l’ambulance partit, Thomas dit ce qu’on pensait tous.

« On peut pas le laisser mourir comme ça. »

« Non », répondis-je. « On ne peut pas. »

Pendant trois jours, je fis des recherches.
Je trouvai la page de Julie Duval.
Mère célibataire. Infirmière en pédiatrie. Des centaines de publications sur le combat de Tim. Les commentaires racontaient l’histoire.

Au début, les camarades de classe soutenaient.
Puis ça s’arrêta.
Au moment où les vidéos apparurent sur les réseaux :
Tim en crise en classe.
Tim vomissant à la cantine.
Tim pleurant en perdant ses cheveux.
Toutes publiées par des comptes anonymes qui ressemblaient étrangement aux pseudos de Marissa et Kévin.

Les commentaires sous ces vidéos donnaient envie de vomir.

Mais je tombai aussi sur autre chose.
La chaîne YouTube de Tim : TimConstruit.
Quarante-sept abonnés.
Des vidéos où il construisait des maquettes, des fusées miniatures, des mondes Minecraft.
Toujours relié à ses perfusions.
Toujours en train de lutter.

La dernière vidéo datait de trois jours avant sa fugue.

« Salut tout le monde. C’est Tim. Alors… c’est sûrement ma dernière vidéo. Le cancer est partout maintenant. J’arrive plus trop à construire quand mes mains tremblent. Mais je voulais dire merci. Aux quarante-sept personnes qui ont regardé. Qui ont mis un “j’aime”. Vous m’avez fait sentir que j’existais. Que j’étais plus que “le gosse-cancer”. Alors… voilà. Construisez quelque chose de cool pour moi. D’accord ? »

J’appelai les frères. On avait du travail.

Je passai d’abord à l’hôpital. Tim était conscient, mais faible. Sa mère lui tenait la main.

« Madame Duval ? Je suis Jax. Votre fils nous a engagés. »

Elle avait l’air perdue jusqu’à ce que j’explique. Puis elle éclata en sanglots.

« Il a conduit ? Il n’atteint même pas les pédales ! »

« Il a utilisé un bâton pour l’accélérateur. Le régulateur pour la vitesse. Ce gamin est un génie. »

« Il va mourir. »

« Pas encore. Et on veut aider. Pas avec de la vengeance. Avec mieux. »

J’expliquai notre plan. Elle pleurait, mais hocha la tête.

« Le harcèlement l’a détruit. Peut-être plus que le cancer. Avant, il était heureux. Créatif. Puis ils ont commencé… et il s’est éteint. »

« Il n’est pas éteint. Il planifie. Ça, c’est différent. »

Je retournai voir Tim quand il se réveilla.

« Vous êtes venu. »

« Je t’avais dit. Tim, j’ai regardé tes vidéos. »

Il rougit. « Elles sont nulles— »

« Elles sont géniales. Tu es brillant. Créatif. Drôle. »

« Quarante-sept abonnés, c’est pas vraiment la gloire. »

« On parie ? »

Je lui montrai mon téléphone :
Une vidéo que Gros Michel avait postée sur notre page.
La fusée de Tim.
Commentée par nous douze. Impressionnés.

100 000 vues.
50 000 “j’aime”.
10 000 nouveaux abonnés à TimConstruit.

« Quoi… comment ? »

« Les motards aiment les gosses malins. Et ils détestent les harceleurs. »

Les commentaires étaient magnifiques.
Des motards du monde entier.
Des profs.
Des parents.
Des anciens soldats.
Tous pour Tim.

« Mais… je vais mourir. »

« Oui. Mais t’es pas mort maintenant. Et ta chaîne non plus. »

Pendant deux semaines, on prit des tours. Un motard toujours à côté de lui. À filmer. À l’aider à construire des choses simples.
Sa chaîne explosa :
500 000 abonnés.
Puis un million.

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