Le soir de mon mariage, j’ai vu ma belle-mère empoisonner ma coupe… et j’ai échangé les verres

C’est là que la salle a vraiment explosé.
Des gens se sont levés. Certains essayaient de calmer Martine, d’autres reculaient pour ne pas être touchés. Les téléphones continuaient de filmer, implacables.

— Quelqu’un appelle les secours ! j’ai entendu ma mère crier.

Je suis restée plantée là, agrippée au bord de la table d’honneur pour ne pas tomber. Martine était maintenant assise par terre, les jambes dans sa robe, au milieu d’une bouillie de crème, de génoise et de fleurs en sucre. Elle riait encore, mais son rire se transformait en hoquet. Ses yeux roulaient un peu.

— Martine ! s’agenouilla Gérard à côté d’elle. Qu’est-ce que tu as pris ? Dis-moi ce que tu as pris !

— Rien… marmonna-t-elle. Rien du tout…

Julien s’est tourné vers moi. Son visage était décomposé, un mélange de honte, de peur, de colère.

Nos regards se sont croisés au milieu de ce chaos.

Je me suis levée, les jambes en coton.

Qu’est-ce que j’avais fait ?


L’ambulance est arrivée étonnamment vite. Les invités s’étaient regroupés par petits îlots, chuchotant, commentant, certains encore le téléphone à la main. Les musiciens avaient rangé leurs instruments. La pièce montée, détruite, ressemblait à une sculpture moderne ratée.

Les pompiers ont embarqué Martine sur un brancard. Elle était à moitié consciente, le visage couvert de crème, les cheveux en bataille. Gérard est monté avec elle. Julien est resté un instant au milieu de la salle, immobile, puis s’est tourné vers moi.

— On doit aller à l’hôpital, dit-il d’une voix blanche.

J’ai hoché la tête.

Le reste est flou. Je me revois dans la voiture de mon père, encore en robe de mariée, tenant ma jupe pour qu’elle ne se coince pas dans la portière. Je me revois traverser les couloirs de l’hôpital, avec ma mère d’un côté, Élise de l’autre. Je me revois m’asseoir sur une chaise en plastique, le satin de ma robe frottant contre le matériau rêche.

Julien n’a presque pas parlé pendant le trajet. À l’hôpital, il s’est affalé sur un siège, en costume, encore couvert de petites taches de crème.

Le temps s’est étiré. Une heure ? Deux ? Je n’en sais rien. Les murs beige de la salle d’attente, l’odeur de désinfectant, le distributeur de café dans un coin… tout semblait irréel.

Lucas était assis en face de nous, les coudes sur les genoux, le visage entre les mains. Gérard avait disparu derrière une porte avec le service médical.

Dans ma tête, la scène se repassait en boucle : la main de Martine au-dessus de mon verre, le comprimé qui tombe, l’échange des flûtes, le sourire satisfait, la danse folle, le gâteau détruit.

Je devrais leur dire, pensai-je.
Je devrais le dire à Julien. Tout de suite. Là. Maintenant.

Mais chaque fois que j’ouvrais la bouche, la peur me coupait la voix.
Et s’il ne me croyait pas ?
Et s’il pensait que j’inventais pour me dédouaner ?
Et si je perdais mon mari le soir même de notre mariage ?

Une porte s’est ouverte.

— La famille de madame Martine Delaunay ? demanda un médecin en blouse blanche, un dossier à la main.

On s’est tous levés en même temps. Gérard est arrivé derrière lui, le visage gris.

— Comment va-t-elle ? demanda-t-il d’une voix étranglée.

Le médecin nous a détaillés du regard.

— Elle est stable, pour l’instant, dit-il. Mais j’ai besoin de vous poser quelques questions. Est-ce qu’elle prend des médicaments de manière régulière ? Quelque chose pour l’anxiété, le sommeil… ?

Gérard secoua la tête.

— Non. Elle ne prend presque rien. Quelques vitamines, tout au plus.

— Est-ce qu’elle boit beaucoup d’alcool ?

— Rarement. Un verre de vin au dîner, pas plus.

Le médecin consulta son dossier.

— Les analyses montrent un taux important d’un sédatif dans son sang, expliqua-t-il. Un médicament de la famille des anxiolytiques. Il y en a suffisamment pour provoquer une forte désinhibition, des troubles de l’équilibre, des pertes de contrôle.

Il a relevé la tête.

— Est-ce qu’elle avait une ordonnance pour ce genre de médicament ?

— Non, répéta Gérard, abasourdi. C’est impossible. Elle n’a rien de tout ça.

— Pourtant, les résultats sont très clairs.

Julien a parlé pour la première fois depuis longtemps.

— Est-ce que… quelqu’un aurait pu lui en donner sans qu’elle le sache ?… glisser quelque chose dans son verre ? proposa-t-il, la voix rauque.

Mon cœur s’est arrêté.

Le médecin hocha la tête.

— C’est une possibilité, oui. Mais je ne peux pas l’affirmer.

Ses yeux ont glissé sur moi.

— Est-ce que vous avez remarqué quelque chose d’inhabituel pendant la soirée ? reprit-il. Quelqu’un près des verres, un comportement bizarre…

Julien s’est tourné vers moi.

— Claire ? demanda-t-il doucement. Tu étais à la table d’honneur. Tu as vu quelqu’un s’approcher des verres de champagne ?

Toute la salle d’attente s’est tue.

Je sentais le regard de ma mère sur moi, celui de mon père, d’Élise, de Lucas. Et surtout celui de Julien. Mon mari. Celui qui, quelques heures plus tôt, m’avait promis de me croire, de me soutenir, de m’aimer.

Ma bouche était sèche.

C’était le moment.
Ou je disais la vérité.
Ou je me taisais… pour toujours.

J’ai entendu ma propre voix répondre, avant même de décider quoi que ce soit :

— Oui. J’ai vu quelqu’un.

Julien a froncé les sourcils.

— Qui ?

Je me suis forcée à le regarder droit dans les yeux.

— Ta mère, ai-je dit. J’ai vu ta mère au-dessus de mon verre de champagne. Elle a fait tomber un comprimé dedans. Alors j’ai échangé nos verres.

Les mots sont tombés au milieu de nous comme un pavé dans une mare.

Gérard a rougi d’un coup.

— C’est… ridicule, balbutia-t-il. Martine ne ferait jamais une chose pareille !

— Je sais ce que j’ai vu, répondis-je, la voix faible mais ferme.

Julien me fixait comme s’il ne me reconnaissait plus.

— Tu es en train de dire que ma mère a essayé de t’empoisonner ? Et que tu lui as fait boire… à sa place ?

Sa voix montait.

— Je dis qu’elle a mis quelque chose dans mon verre, répétais-je. Je ne savais pas ce que c’était. J’ai eu peur. J’ai échangé les flûtes. Elle a bu ce qui était destiné à moi.

Lucas secouait la tête.

— C’est n’importe quoi… Maman n’est pas… comme ça.

— Elle n’a jamais voulu que je fasse partie de cette famille, ai-je lâché, les larmes aux yeux. Elle ne m’a jamais caché qu’elle me trouvait trop « ordinaire », pas assez ceci, pas assez cela. Elle voulait garder Julien pour elle. Elle contrôlait tout. Tout. Ce mariage, c’était ce qu’elle ne pouvait pas contrôler.

Julien serra les poings.

— Claire, réfléchis à ce que tu dis, murmura-t-il. C’est ma mère.

— Et je suis ta femme, ai-je répondu, la voix brisée. Pourquoi crois-tu que j’inventerais ça, le soir de notre mariage ?

Un silence lourd est tombé.

Le médecin a raclé sa gorge.

— Je vais devoir signaler la situation, dit-il calmement. L’hôpital est obligé de prévenir les autorités dans ce genre de cas. Une intoxication volontaire potentielle… ça relève de la police.

« Police. » Le mot a fait vibrer quelque chose en moi. Tout allait trop loin, trop vite.

Gérard leva les mains.

— Ce n’est pas la peine d’en arriver là, protesta-t-il. C’est forcément un malentendu. Martine a toujours été stable, responsable. Elle ne ferait jamais de mal à qui que ce soit.

Mais le médecin restait ferme.

— Je ne juge pas. Je rapporte ce que je vois : un taux élevé de sédatif, des circonstances… particulières. C’est mon devoir de déclarer. La suite ne dépendra plus de moi.

Quand il est parti, la salle d’attente a semblé encore plus froide.

Julien n’a pas quitté mon visage.

— Tu es vraiment sûre, Claire ?… Sûre de ce que tu as vu ? demanda-t-il pour la dernière fois, presque suppliant.

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