L’éboueur qui a trouvé un petit garçon seul dans un HLM abandonné découvre la lettre de sa mère

On pensait trouver des squatteurs, peut-être un feu de palettes encore fumant dans un vieux salon abandonné.
À la place, on a trouvé un petit garçon de sept ans assis par terre, la cheville attachée à un radiateur avec un foulard noué trop serré.

Le foulard avait entaillé sa peau fine. Autour de lui, il y avait des bouteilles d’eau vides, quelques boîtes de biscuits ouvertes, un vieux plaid roulé en boule.
Et sur son pull trop grand, quelqu’un avait scotché un petit mot, plié en deux.

« S’il vous plaît, prenez soin de mon fils. Pardon. Dites-lui que sa maman l’aimait plus que toutes les étoiles. »

Le gamin n’a même pas levé la tête quand on a forcé la porte.
On était quatre grands bonshommes en gilet orange fluo, bottes de sécurité, mains sales de la tournée du matin.
Il traçait des cercles dans la poussière avec son doigt, comme si c’était normal d’attendre là.

Je me suis accroupi.

— Hé, petit… Salut. On est là pour t’aider, d’accord ?

Il a enfin relevé les yeux. De grands yeux noisette, creusés, beaucoup trop sérieux pour un enfant.

— C’est toi… l’ange ? a-t-il demandé d’une voix rauque.
— L’ange ?
— Maman a dit que des anges viendraient. Pas avec des ailes… Avec des camions qui font un grand bruit.

Je me suis senti la gorge se serrer.
Des anges en gilet orange, visiblement.

Je m’appelle Karim Benali.
Les gars du dépôt m’appellent « Tank » depuis trente ans, parce que je fonce sans trop réfléchir et parce que je fais la taille d’une armoire.
J’ai 60 ans, chef d’équipe au service de propreté de la ville.

Ce matin-là, on avait reçu un signalement : une barre HLM condamnée, dans un quartier oublié en périphérie de Lyon, où on avait vu de la lumière et entendu du bruit.
On pensait à des vols de cuivre, à des squats dangereux.
La police municipale nous avait demandé de jeter un œil pendant notre tournée.

On a forcé la porte du quatrième étage parce que ça sentait le renfermé, la poussière et quelque chose d’autre, plus lourd.
On ne s’attendait pas à un enfant.

— Comment tu t’appelles ? ai-je demandé doucement.
— Léo, a-t-il répondu après un silence. Léo Moreau.
— Enchanté, Léo. Moi c’est Karim. Voici Manu, Rachid et Gilles. On travaille pour la ville. On n’est pas méchants, tu sais.
— Maman a dit que quelqu’un de bien viendrait.

Il a baissé les yeux vers le mot sur son pull.

— C’est Maman qui l’a écrit, ça ?
Il a hoché la tête.
— Elle m’a dit de ne pas avoir peur. Que les anges des camions viendraient.

Je n’arrivais pas à détacher mon regard de la phrase : « l’aimait plus que toutes les étoiles ».
Aimait. Pas « aime ».
Le passé qui vous tombe dessus comme une pierre.

— Ouais, petit, j’ai murmuré. Ta maman t’a envoyé vers nous.

J’ai menti, bien sûr. Mais à cet instant-là, j’avais envie que ce soit vrai.

Manu a sorti son couteau de travail, celui avec lequel il découpe les sangles des palettes, et a commencé à défaire le nœud du foulard autour de la cheville de Léo.
Le tissu avait frotté tellement fort que la peau était à vif.

— Doucement, a dit Rachid. On va te libérer, champion.

Quand la cheville a été enfin dégagée, Léo s’est levé, un peu chancelant.
Il tenait toujours le petit mot contre lui.

— Où est Maman ? a-t-il demandé.

Je me suis forcé à sourire.

— On va la chercher, d’accord ? Mais d’abord, on sort d’ici. Tu as faim ?
Il a hésité.
— J’ai mangé les biscuits… la semaine dernière, je crois. Maman avait dit que ça devait durer longtemps.

Il avait dû rester seul plusieurs jours.

On l’a enveloppé dans la veste de Gilles, trop grande pour lui, et on l’a fait sortir sur le palier.
Il grelottait, mais il ne pleurait pas.
Il regardait nos gilets comme si c’étaient des armures.

— Reste avec Manu, Léo, ai-je dit. Nous, on va voir en bas. D’accord ?
— Maman a mal ? a-t-il chuchoté.
— Je vais aller voir, promis.

Je savais déjà, au fond de moi, ce qu’on allait trouver.

On a descendu les escaliers.
L’immeuble était silencieux, vidé depuis des années, murs tagués, boîtes aux lettres arrachées.
Une lumière pâle filtrait sous la porte d’un ancien débarras au sous-sol.

Rachid a poussé la porte.

Elle était là.

Sur un vieux matelas posé à même le sol, couverte d’un drap propre, comme si elle s’était préparée.
Une femme d’une trentaine d’années, maigre, le visage creusé mais apaisé.
Pas de scène violente, pas de sang.
À côté d’elle, des boîtes de médicaments vides, une bouteille d’eau, un chapelet de pacotille.

Elle tenait contre elle un cahier d’écolier, serré entre ses doigts.

J’ai pris une grande inspiration.

— Appelle le SAMU, ai-je dit à Gilles. Et la police. On touche à rien.

Je me suis accroupi près du matelas.
Le cahier était posé contre sa poitrine. Sur la première page, au stylo bleu, une écriture serrée.

« À la personne qui trouvera mon fils. »

Mes mains tremblaient.

« Je m’appelle Claire Moreau. Mon fils s’appelle Léo, il est né le 21 avril 2018. Son père est en prison pour ce qu’il nous a fait.
Je suis malade. Cancer, stade terminal. Les médecins ont été honnêtes : il ne me reste pas longtemps.

Je n’ai plus de parents. Ma sœur vit à l’autre bout du pays, je n’ai plus ses coordonnées. Les services sociaux font ce qu’ils peuvent, mais ils sont débordés.

Si je meurs à l’hôpital, Léo ira dans un foyer, puis chez la famille de son père. Ils l’ont déjà menacé. Ils ont fermé les yeux sur ce que leur fils nous faisait. Je ne veux pas ça pour lui.

Alors j’ai fait un choix. Peut-être le pire, peut-être le seul.

Depuis des mois, je vous regarde par la fenêtre de mon ancien appartement, juste en face du dépôt. Vous, les éboueurs, les hommes en gilet orange qui ramassez ce que tout le monde jette.
Je vous ai vus plaisanter avec les vieux seuls au balcon. Je vous ai vus déposer des sacs de nourriture à la grille de l’association du coin. Je vous ai vus réparer la poussette d’une voisine.

Vous avez des mains abîmées, des dos cassés, des visages fatigués. Mais vous êtes bons.
Alors j’ai décidé que c’est chez vous que je déposerais mon fils.

Le foulard autour de sa cheville, ce n’est pas pour le punir. C’est pour qu’il ne parte pas dans l’escalier pendant que je m’en vais. J’ai laissé de l’eau et des biscuits pour plusieurs jours. Quelqu’un viendra bien assez vite. Quelqu’un comme vous.

Je vous en supplie : ne laissez pas la famille de son père le récupérer. Ne laissez pas Léo grandir dans la violence que j’ai connue.

Dites-lui que sa maman est partie préparer une place pour lui là-haut.
Dites-lui que je l’aimais plus que toutes les étoiles.
Dites-le lui tous les jours, jusqu’à ce qu’il vous croie.

Je suis désolée. Que Dieu me pardonne. Je préfère mourir en pensant qu’il sera avec de bonnes personnes, plutôt que vivre en sachant qu’il retournera chez ceux qui nous ont détruits.

Sauvez mon fils. S’il vous plaît.
Claire. »

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