Mon grand-père millionnaire est mort, mes cousins ont tout pris… jusqu’à ce qu’un simple billet de train parle

Il m’en a tendu une et s’est assis au bord du lit.

— Tu n’es pas obligé d’y aller, tu sais, a-t-il murmuré après un moment. Ton grand-père aimait contrôler les gens. Il les faisait bouger comme des pièces sur un échiquier. Ne le laisse pas continuer à jouer avec toi, même mort.

— Et si ça veut dire quelque chose ? ai-je demandé. Si je ne vais pas, est-ce que je ne vais pas passer le reste de ma vie à me demander ?

Il a haussé les épaules.

— Et si ça ne veut rien dire ? Si c’est juste une dernière façon de te montrer que tu ne comptes pas ?

Ma mère est apparue dans l’embrasure de la porte, une tasse de tisane à la main.
Elle avait troqué sa robe noire contre un pyjama à petits motifs de clés de sol que je lui avais offert un Noël.

— Moi, je pense que tu devrais y aller, a-t-elle dit.

Mon père s’est tourné vers elle, surpris.

— Après ce qu’il vient de lui faire ? Claire, sois raisonnable.

Elle s’est assise de l’autre côté de moi, posant la tasse sur la table de nuit.
Ses doigts ont effleuré le billet, tout doucement.

— Ton père était beaucoup de choses, a-t-elle dit. Froid, dur, obsédé par le contrôle. Mais il n’était pas léger. Il ne faisait jamais rien au hasard. S’il t’a laissé ce billet, c’est qu’il y a une raison.

— Tu es en train de le défendre, là ? a grondé doucement mon père. Après toutes ces années ?

— Non, a-t-elle répondu. J’essaie de comprendre. Et je dois vous dire quelque chose.

Elle a pris une grande inspiration.

— Dix jours avant sa mort, il m’a appelée.

Nous l’avons regardée, bouche bée.
Mon grand-père n’appelait jamais chez nous. Jamais.

— Sa voix était différente, continua-t-elle. Fatiguée, mais… plus vraie. Il m’a dit : « J’ai observé Julien. Il n’est pas comme les autres. Il a quelque chose que les autres n’ont pas. » Quand je lui ai demandé quoi, il a juste répondu : « Il comprendra le moment venu. »

— Pourquoi tu ne me l’as pas dit ? ai-je murmuré.

— Parce que je croyais que c’était seulement un vieux monsieur qui regrettait certaines choses, dit-elle doucement. Mais maintenant, avec ce billet, je me demande s’il n’y avait pas plus.

Mon père s’est levé, a fait quelques pas jusqu’à la fenêtre, a regardé dehors.

— C’est insensé, a-t-il lâché. On ne va pas envoyer notre fils au bout de la France juste parce qu’un homme qui ne l’a jamais vraiment regardé a décidé de lui faire une énigme.

— C’est un jour, Michel, a répondu ma mère. Un seul. S’il n’y va pas, il se demandera toujours. S’il y va et qu’il n’y a rien, au moins il saura.

Je regardais tour à tour leurs visages.
Mon père, debout, partagé entre la colère et la peur.
Ma mère, assise, les yeux fatigués mais déterminés.

— Mes élèves ont un contrôle lundi, ai-je murmuré.

— Je peux le surveiller à ta place, a dit ma mère aussitôt. Je me souviens encore assez de la chimie pour les regarder remplir des copies.

Mon père a poussé un long soupir.

— Et si c’est dangereux ? a-t-il repris, comme un dernier argument.

— C’est Nice, pas une zone de guerre, a répondu ma mère avec un petit sourire. Le pire qui puisse arriver, c’est que Julien voit la mer, prend l’air et revienne en nous disant que son grand-père était vraiment fou.

Je me suis levé. Au fond de moi, la décision était déjà prise.
Je voulais savoir.

— J’y vais, ai-je dit.

Mon père est revenu vers moi, m’a serré dans ses bras comme quand j’étais enfant.

— Alors tu y vas la tête haute, d’accord ? Quel que soit ce que tu trouves là-bas, tu n’es pas un mendiant d’héritage. Tu es mon fils. Et ça vaut plus que tous leurs contrats réunis.

— Ça vaut quoi, exactement ? ai-je demandé, la voix un peu cassée.

— Ça vaut que tu n’as rien à prouver à personne, a-t-il répondu.


Le lendemain matin, nous avons pris la voiture jusqu’à Paris.
La radio diffusait de vieux morceaux que mon père connaissait par cœur. Personne ne parlait beaucoup. Chacun était perdu dans ses pensées.

Devant la gare, ma mère m’a tendu un petit sac.

— Des vêtements propres, des affaires de toilette, ton chargeur de téléphone, dit-elle. Au cas où.

— Au cas où quoi ? ai-je demandé.

Elle a haussé les épaules.

— Au cas où ce voyage serait un commencement, pas une fin.

Mon père m’a pris par les épaules.

— Quoi qu’il arrive, n’oublie pas : tu n’as pas besoin d’un testament pour avoir de la valeur, a-t-il répété.

Je suis passé le contrôle des billets, puis la barrière.
En me retournant, je les ai vus, bras dessus bras dessous, un peu perdus parmi la foule pressée. Ils avaient l’air inquiets, mais fiers.

Mon téléphone a vibré.
Alexis : « Bon voyage, professeur. Essaie de ne pas trop t’habituer à la première classe. 😉 »

J’ai effacé le message sans répondre.

Le train était confortable, silencieux. Des gens en costume ouvraient déjà leurs ordinateurs. Une dame d’un certain âge lisait un roman. J’ai regardé défiler les paysages : les champs encore couverts de brume, puis peu à peu le sud, la lumière plus douce, les couleurs plus claires.

Je n’arrêtais pas de me demander s’il y aurait quelqu’un à l’arrivée. Un courrier à un hôtel ? Un coffre à la banque ? Ou rien du tout.

À Nice, le soleil m’a frappé dès que je suis sorti du train.
La mer, au loin, scintillait. Rien à voir avec le ciel gris de la veille.

Je serrais la poignée de mon petit sac quand je l’ai vu.

Un homme en costume sombre, parfaitement coupé, se tenait près de la sortie, une pancarte blanche entre les mains.

Sur la pancarte, en lettres bien nettes :
JULIEN LAMBERT

Pas « Julien Morel », pas une erreur.
Mon nom. Le nom que mon grand-père n’aimait pas, parce qu’il y avait celui de mon père derrière.

L’homme s’est approché, m’a détaillé d’un regard rapide mais précis, puis a demandé, dans un français teinté d’un léger accent étranger :

— Monsieur Julien Lambert ?

— Oui, ai-je répondu. C’est moi.

Il a baissé un peu la voix, comme pour que personne d’autre n’entende :

— Bienvenue. Votre grand-père m’a chargé de vous conduire à la Fondation.

Je l’ai regardé, interdit.

— À… quelle fondation ?

Un léger sourire a effleuré ses lèvres.

— Celle dont votre famille ignore tout, monsieur. Celle qui était sa véritable vie.

Il s’est écarté pour me laisser passer, désignant d’un geste discret une voiture noire garée devant la sortie de la gare.

Clique sur le bouton ci-dessous pour lire la suite de l’histoire. ⏬⏬

Scroll to Top