Mon grand-père millionnaire est mort, mes cousins ont tout pris… jusqu’à ce qu’un simple billet de train parle

Je me suis avancé, le cœur battant, une seule pensée en tête :

« Qu’est-ce que tu as encore manigancé, grand-père ? »

L’homme en costume m’a conduit à travers la gare comme si tout cela était parfaitement normal.
Il marchait d’un pas sûr, sans se retourner, certain que je le suivrais.

Dehors, une berline noire nous attendait. Pas une voiture tape-à-l’œil, mais une de celles qui respirent la discrétion et l’argent ancien.

— Je m’appelle Victor Martin, dit-il enfin en m’ouvrant la portière. Je suis directeur de la Fondation Romarin. Votre grand-père m’a demandé de m’occuper de vous à partir du moment où vous poseriez le pied à Nice.

— Je ne comprends pas, ai-je répondu. On m’a parlé d’un billet de train, pas d’une fondation.

Il a esquissé un sourire poli.

— C’est normal. On ne vous a jamais parlé de cette partie de sa vie.

La voiture s’est engagée sur la promenade. La mer bleue, les palmiers, les joggeurs… Rien ne collait avec l’enterrement gris de la veille.
Je me sentais comme quelqu’un qui aurait changé de film sans s’en rendre compte.

— Votre grand-père, reprit Victor, menait deux existences. Celle que vous connaissez tous : l’industriel, les immeubles, les centres commerciaux, les réceptions en costume. Et une autre, que sa famille ignore.

— Et qui vous dit que je vais vous croire ? ai-je demandé, un peu sec.

Victor n’a pas semblé vexé.

— Je ne compte pas sur votre confiance aveugle, monsieur. Je compte sur les preuves.

Nous avons quitté Nice par une petite route qui montait vers les hauteurs.
Au bout d’une vingtaine de minutes, la voiture s’est arrêtée devant une grande maison claire, accrochée à la colline, entourée de pins et de bougainvilliers. De la terrasse, on voyait la mer.

— Bienvenue dans la maison d’Henri Lambert, dit Victor. Sa vraie maison.

Je me suis figé.

— Non, sa maison est près de Lyon, ai-je protesté par réflexe.

— Sa maison officielle, oui, répondit Victor. Celle des dîners et des signatures de contrats. Ici, c’est l’endroit où il venait vivre, pas seulement paraître.


À l’intérieur, tout était simple, lumineux. Pas de dorures ni de tableaux prétentieux, juste des murs blancs, du bois clair, des étagères pleines de livres, de dossiers, de photos.

Et ces photos…

J’ai cessé de respirer un instant.

Sur la première, mon grand-père souriait au milieu d’un groupe d’enfants en uniforme scolaire, quelque part en Afrique.
Sur une autre, il coupait un ruban devant un petit dispensaire dans un village de montagne.
Sur une troisième, il lisait une histoire à des enfants assis par terre, dans ce qui ressemblait à une bibliothèque improvisée.

Il portait une chemise simple, un vieux gilet, pas de costume trois pièces.
Et surtout, il souriait. Vraiment.
Un sourire que je n’avais jamais vu à Lyon.

— C’est… une blague ? ai-je articulé.

— Non, dit doucement Victor. Pendant plus de quarante ans, votre grand-père a financé, en secret, des écoles, des centres de santé, des puits, des bibliothèques, un peu partout dans le monde. Ici, vous êtes au siège de la Fondation Romarin, qu’il a créée et alimentée sans que personne, dans votre famille, ne le sache.

Je l’ai regardé, incrédule.

— Avec quel argent ? Tout est parti dans les immeubles, les maisons, les voitures…

Victor a pris une grande respiration, comme s’il s’apprêtait à réciter une leçon apprise par cœur.

— Il a partagé. Une partie pour sa vie visible. Une partie pour sa vie cachée. Des sociétés écrans, des placements, des montages juridiques… Tout à fait légaux, mais discrets. Aujourd’hui, la Fondation dispose d’un patrimoine d’environ quatre cents millions d’euros. Les revenus annuels financent nos projets.

J’ai failli m’asseoir.

Quatre cents millions.
Pendant que ma mère comptait parfois ses fins de mois, mon grand-père avait ce genre de chiffres sous la main, et il les envoyait à l’autre bout du monde.

La colère a pointé le bout de son nez.

— Et pendant ce temps-là, il nous regardait de haut, nous, avec notre chauffage en panne et nos vacances au camping ? ai-je lâché. Sans rien dire ? Sans jamais proposer d’aider autrement que par des chèques froids à Noël ?

— Il vous observait, oui, répondit Victor calmement. Mais pas comme vous le pensez.

Il m’a conduit dans un bureau aux grandes fenêtres, face à la mer.
Sur le bureau, un carnet en cuir, épais, posé bien droit.

— C’est son journal, dit Victor. Ses carnets, en réalité. Il en a rempli des dizaines, mais celui-là est le dernier. Il a demandé qu’on vous le donne si vous veniez jusqu’ici.

J’ai ouvert à une page au hasard.
L’écriture de mon grand-père, reconnaissable entre mille.

« Alexis vient d’annoncer fièrement qu’il a “rationalisé” une entreprise familiale. Trente salariés licenciés pour améliorer les chiffres. Il appelle cela une victoire. Moi, je n’arrive plus à dormir. »

Une autre page :

« Chloé a transformé l’enterrement de sa grand-mère en décor pour ses vidéos. Elle a pleuré au bon moment, souri au bon moment, reçu beaucoup de réactions. Je l’ai laissée faire. Je me demande où j’ai échoué. »

Une troisième :

« J’ai reçu aujourd’hui un rapport sur Julien. Il reste après les cours pour aider des élèves en difficulté. Trois heures supplémentaires, non payées. Il a les mains de son père et le cœur de ma fille. J’ai construit des centres commerciaux. Lui, il construit des êtres humains. »

Je me suis arrêté là, la gorge serrée.

— Des… rapports ? ai-je répété. Vous voulez dire que…

— Oui, confirma Victor. Il avait engagé des gens pour suivre l’évolution de ses petits-enfants. Pas pour les espionner dans l’intimité, précisa-t-il aussitôt, mais pour comprendre comment ils vivaient, ce qu’ils faisaient de ce qui leur avait été donné.

Il a posé sur le bureau une tablette allumée.
Je me suis vu, à l’écran, filmé de loin dans la cour de mon lycée.
Je rigolais avec un petit groupe d’élèves devant un montage de circuits électriques. Sur une autre vidéo, j’expliquais encore une fois la même notion à une jeune fille, dans une salle vide, alors que le soir tombait.

— Il recevait ces images régulièrement, dit Victor. Il les regardait. Il commentait. Il s’interrogeait.

Sur une photo, on voyait aussi Alexis, en costume, sur une terrasse, verre à la main, entouré d’hommes en chemise blanche. Une légende, écrite de la main d’Henri :

« Il sait gagner. Mais il ne sait pas renoncer. »

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