Quinze anciens pompiers ont envahi un service pour enfants à 3h du matin – la raison va vous hanter

À trois heures du matin, le couloir du service d’oncologie pédiatrique à Lyon était aussi silencieux qu’une église vide.

Puis les portes de l’ascenseur se sont ouvertes.

Quinze hommes sont sortis, en bottes lourdes, blousons usés, gilets réfléchissants d’anciens pompiers. Certains avaient les cheveux gris, d’autres les bras couverts de tatouages. Tous portaient quelque chose dans les bras : des nounours, de petites voitures de pompiers, des casques en plastique rouge.

Madame Monique Lefèvre, infirmière-chef depuis plus de vingt ans, a senti son cœur se serrer. Elle tenait ce service comme une horloge, et personne n’était censé monter sans autorisation, encore moins en groupe.

Elle les a vus se diriger droit vers la chambre 214.

La chambre de Lucas.

Lucas avait neuf ans. Une leucémie que les traitements avaient ralentie sans jamais la faire disparaître. Ses parents habitaient loin, dans un village mal desservi, et la maladie, la fatigue, les trajets, les soucis d’argent avaient fini par les écraser. Depuis plusieurs semaines, ils ne venaient presque plus. Le personnel faisait de son mieux, mais le soir, Lucas restait seul avec le bip continu des machines.

Monique attrapa aussitôt le téléphone fixe.

— Sécurité, bonsoir. Ici l’oncologie pédiatrique. Nous avons un groupe d’intrus à l’étage, au moins quinze personnes. Pouvez-vous monter immédiatement ?

Sa voix était sèche, professionnelle. Elle regardait toujours les hommes avancer. L’un d’eux, un colosse au crâne rasé, portait un vieux sac de sport rouge sur lequel on lisait encore, en lettres effacées : « Sapeurs-Pompiers ».

Au moment où elle allait reposer le combiné, un son la cloua sur place.

Un rire.

Le rire d’enfant clair, fragile… celui de Lucas. Un son qu’elle n’avait pas entendu depuis des semaines.

Monique raccrocha sans même dire au revoir et se dirigea vers la chambre 214.


La porte était entrouverte.

À l’intérieur, le grand pompier était à genoux près du lit de Lucas. Il faisait rouler une petite voiture de pompiers sur la couette, en imitant la sirène avec un sérieux comique.

— Pin-pon, pin-pon… Attention, intervention d’urgence pour super-héros fatigué !

Lucas, pâle, sans cheveux, le visage miné par la chimio, avait les yeux brillants. Il riait, la bouche grande ouverte, les mains crispées sur les draps pour ne pas trembler.

— Comment vous saviez que j’aimais les pompiers ? murmura-t-il, la voix faible mais excitée.

Le colosse sortit son téléphone de sa poche, l’écran déjà allumé.

— C’est Julie qui nous l’a dit, petit. Tu vois ?

Sur l’écran, Lucas reconnut sa chambre, ses petits camions posés sur la tablette, et quelques lignes de texte.

— Elle a écrit à notre association, expliqua l’homme. Elle a raconté qu’il y avait ici un garçon qui collectionne les camions de pompiers, qui connaît le numéro d’urgence mieux que son propre numéro de téléphone… mais qui n’a presque plus de visites. On ne pouvait pas laisser ça comme ça. Alors on est venus. On s’appelle « Les Casques du Cœur ». Et ce soir, tu es notre priorité absolue.

Monique sentit quelqu’un bouger à côté d’elle.

Julie, la jeune infirmière de nuit, se tenait dans un coin de la chambre, les yeux déjà pleins de larmes. Elle savait qu’elle avait outrepassé le règlement : parler d’un patient sur les réseaux, faire venir tout un groupe à une heure pareille… Tout ce qu’il fallait, en théorie, pour se faire sanctionner.

Monique inspira profondément. De l’autre côté du lit, deux anciens pompiers accrochaient des écussons sur le tableau mural : petits patchs brodés avec des casques, des flammes stylisées, des devises. Un troisième installait une tablette sur un pied pour lancer une visioconférence.

Le colosse posa doucement son sac rouge sur une chaise, l’ouvrit et en sortit un petit blouson de pompier, taille enfant, un peu usé, soigneusement plié. Au dos, on lisait en lettres blanches : « Casques du Cœur – Jeune recrue ».

— Ça, dit-il en le tenant dans ses bras comme un trésor, c’était à mon fils. Il s’appelait Mathis. Il avait à peu près ton âge quand on lui a donné ce blouson. Lui aussi s’est battu contre un cancer.

Sa voix se fit plus basse.

— Il m’a fait promettre que le blouson irait un jour à un autre petit guerrier. J’ai attendu longtemps. Et ce soir, je crois que je l’ai trouvé.

Lucas regardait le blouson comme s’il s’agissait d’une armure magique.

— Il était vraiment à lui ? chuchota-t-il.

— Vraiment, oui, répondit l’homme. Mathis était le plus courageux des petits pompiers. Jusqu’à ce que je te rencontre, Lucas.

Sa voix se brisa un peu sur le prénom. Lucas tendit les bras. Avec des gestes infiniment précautionneux, le colosse l’aida à enfiler le blouson. Les manches étaient un peu longues, mais les yeux de l’enfant brillaient comme s’il venait de recevoir une médaille.

C’est à ce moment-là que les agents de sécurité arrivèrent, essoufflés, prêts à intervenir.

— Bonsoir, madame Lefèvre. On nous a signalé…

Ils s’interrompirent en voyant la scène : les hommes en blousons, le petit garçon en veste de pompier, le rire discret d’une autre chambre porte entrouverte.

L’un des agents porta sa main à sa radio.

— On fait quoi ? On évacue ?

Monique se surprit elle-même.

— Non, dit-elle d’une voix calme. C’est une fausse alerte. Ces messieurs sont… des visiteurs autorisés.

— À trois heures du matin ? répondit l’agent, interloqué.

— Circonstances particulières, coupa-t-elle. Je prends la responsabilité. Vous pouvez redescendre.

Les deux agents échangèrent un regard, pas convaincus, mais obéirent. La porte se referma derrière eux.

Dans le couloir, d’autres enfants malades, réveillés par le bruit inhabituel, avaient glissé la tête hors de leur chambre. Des silhouettes fragiles, en pyjama, avec des perfusions et des chaussons.

— Ils peuvent venir ? demanda Lucas, désignant le couloir du menton.

Le colosse sourit.

— C’est ta chambre, petit capitaine. C’est toi qui décides.


On installa des chaises, on rapprocha les lits roulants pour ceux qui ne pouvaient pas se lever. La petite chambre 214 devint soudain trop petite pour contenir tant de vie.

Les anciens pompiers se déployèrent avec une aisance qui trahissait l’habitude du travail en équipe. Deux d’entre eux portaient des sacs remplis de petites casquettes rouges, de talkies-walkies en plastique, de puzzles avec des camions incendie. Un autre montrait sur la tablette une caserne de province où ils se retrouvaient encore parfois.

— Regardez bien, dit-il aux enfants. Là, c’est l’échelle où je me suis coincé le pied une fois… j’ai eu plus peur que lors d’un vrai incendie !

Les enfants riaient. Même ceux qui, d’ordinaire, ne parlaient presque pas.

Une petite fille sans cheveux, avec un masque sur le visage, osa poser la main sur un tatouage représentant des flammes qui montaient sur l’avant-bras du colosse.

— Ça fait mal, ça ? demanda-t-elle d’une voix étouffée.

— Plus maintenant, répondit-il doucement. Comme tes traitements. Ça pique, ça brûle, ça fait peur… et puis un jour, ça fait un peu moins mal. Mais tu sais ce qui aide le plus ?

Il regarda les autres anciens pompiers.

— C’est de ne pas être seul.

— Moi, j’ai peur tout le temps, murmura-t-elle.

— Nous aussi, dit-il sans hésiter. Même les grands ont peur. La seule différence, c’est qu’on avance quand même. Et là, on avance tous ensemble. D’accord, petite ?

Elle hocha la tête, les yeux embués.


Dans le couloir, Monique avait rejoint Julie. Elle sentait la réprimande prête à sortir de sa bouche, avec toutes les phrases qu’elle avait répétées tant de fois : « On ne mélange pas vie privée et patients », « les règles sont là pour protéger les enfants », « on ne fait pas entrer qui on veut dans un service aussi fragile ».

Julie prit les devants.

— Je sais, souffla-t-elle. J’ai dérapé. J’ai écrit à leur association. J’ai expliqué pour Lucas, ses camions, ses nuits tout seul… J’ai demandé s’ils pouvaient juste lui envoyer une vidéo ou une carte. Je ne pensais pas qu’ils viendraient en pleine nuit. Je… je suis désolée, madame Lefèvre. Vraiment.

Monique regardait par la porte entrouverte. Lucas était en train d’apprendre à faire un « check » de pompier avec le colosse : paume contre paume, poing contre poing, main sur le cœur. À côté, un petit garçon qui refusait de parler depuis des semaines imitait le bruit d’une sirène, hilare.

— Tu n’as pas dérapé, répondit Monique plus doucement qu’elle ne l’aurait cru. Tu as vu quelque chose que j’ai oublié de voir. Un enfant qui avait besoin de plus que de médicaments.

— Mais les règles…

— Les règles ne doivent jamais nous empêcher d’être humains, Julie. Elles sont là pour protéger, pas pour enfermer.

Julie éclata discrètement en sanglots de soulagement.

— Vous n’allez pas me dénoncer ?

— Oh, je vais sans doute devoir m’expliquer, rectifia Monique. Mais ce soir, je préfère m’expliquer sur un peu trop de vie que sur un silence parfait.


Un jeune médecin apparut à son tour, attiré par le brouhaha.

Tout récent dans le service, encore raide dans sa blouse blanche impeccable, il fronça les sourcils.

— Qu’est-ce que c’est que tout ça ? Nous sommes dans un environnement fragile. Ces personnes n’ont pas d’autorisation. Il faut les faire sortir immédiatement.

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